Jacques Marinelli a marqué l’histoire de Melun. Voici les mots qui lui ont été adressés aujourd'hui, au nom de tous les Melunais.
Éloge funèbre de Jacques Marinelli
Par Kadir Mebarek, Maire de Melun
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Chers Melunais,
Aujourd’hui, Melun pleure l’un de ses fils les plus chers.
Nous nous recueillons dans le silence du matin, dans la solennité de cet édifice chargé d’histoire, avec la dignité de ceux qui restent et pleurent, dans l’émotion silencieuse des cœurs lourds.
Dans ce silence, un nom s’élève, avec force, avec tendresse, avec admiration:
Jacques Marinelli
Un nom qui, pour quiconque connaît Melun, résonne comme une évidence. Un nom qui parle à tous et que chaque habitant prononce avec une parcelle d’affection, presque comme on évoque un membre de sa propre famille.
Dans ce silence, nous ne sommes pas réunis autour de la mort.
Nous sommes réunis pour célébrer la vie. La vie de Jacques.
Jacques a été Maire de Melun. Et aujourd’hui, le maire de Melun doit lui dire au revoir, mais surtout : merci.
Quand on revêt ce costume de maire de la ville-préfecture de Seine-et-Marne, on regarde devant, et l’on mesure le chemin à tracer. Mais on regarde aussi derrière, et là, dans la lumière du passé, se dessinent les silhouettes des grands. Ceux qui ont pavé la route, qui ont élevé les murs, qui ont porté la ville.
Et parmi ces grands, il en est qui sont plus grands encore. Jacques l’était. Un très grand maire de Melun.
De cette grandeur discrète mais inébranlable, qui impressionne sans écraser, qui rassure.
Jacques était de ceux qui inspirent, de ceux qui portent.
Jacques m’a porté.
À mes côtés pour mon premier discours des vœux. À mes côtés, lors des scrutins à l’école Pasteur. À mes côtés pour inaugurer la rue qui porte désormais son nom.
Toujours présent, avec un mot juste, bienveillant, apaisant.
Un mot qui, venant de lui, suffisait à alléger le poids du jour.
***
Même s’il était mon maire depuis 1989, j’ai personnellement rencontré Jacques dans son bureau au début des années 2000, bien loin encore d’imaginer que je m’assiérais un jour dans son fauteuil de maire.
À l’époque, j’étais engagé dans une association. Je lui ai écrit. Il m’a reçu. Et me voilà dans son bureau.
Je m’en souviens encore, avec émotion. Jacques était impressionnant. Une poignée de main franche, un regard droit comme un sillon, une parole rare mais précieuse.
Il n’élevait pas la voix. Il ne dominait pas, il inspirait. Il était LE maire, avec évidence. L’évidence, ce n’est pourtant pas ça qui l’a porté dans ce fauteuil.
Jamais il ne s’est imposé à la politique. Car les grands hommes n’imposent rien : ils sont appelés.
En 1989, lorsque le maire en place hésitait à se représenter, Jacques, malgré les appels de son entourage, répondait qu’il était trop occupé par ses affaires. Mais la chose publique l’attirait et il avait ce sens du collectif, du devoir, de l’intérêt général. C’est pour cela qu’il avait été conseiller municipal à Fontaine-le-Port.
Alors que les difficultés de Melun remontaient jusqu’aux plus hautes sphères, Jacques Chirac — ami de Line Renaud — sachant leur proximité, lui demande de l’appeler. Elle le fait. Jacques ne décroche pas. Alors elle laisse un message, simple, lumineux :
« Mon Jacques, je viens d’avoir Jacques Chirac au téléphone. Il donne son accord pour que tu puisses mener la liste à Melun. Je t’embrasse, Monsieur le Maire. »
Et c’est ainsi, par la grâce d’une voix amie et d’une admiration réciproque, que Jacques entre en campagne pour la première fois. Au soir du premier tour, il mène de 13 voix. Le maire sortant se maintient. Mais au second tour, Jacques l’emporte. Et de quelle manière ! Avec plus de 1 000 voix d’avance, porté par sa popularité immense, l’appel de
la veuve de Marc Jacquet et le soutien précieux de Gérard Millet, futur maire à son tour.
Commence alors une œuvre patiente, audacieuse, visionnaire. Melun, ville endormie, retrouve son souffle. À la fin des années 80,
elle vacille, fatiguée, oubliée. Et c’est Jacques qui l’éveille, la ranime, lui offre une nouvelle image. En 13 années, comme dans le sport, comme dans les affaires : la réussite est au rendez-vous. Trois fois élu, en 1989, 1995 et 2002. Trois victoires, trois promesses tenues.
Jacques, cher Jacques, permets-moi aujourd’hui de te parler directement. Car nous savons ce que nous te devons. Nous savons — et nous n’oublierons jamais.
C’est à toi que l’on doit la piétonnisation du centre-ville, le projet Atout-Cœur dans l’Île Saint-Étienne, le nouveau Palais de Justice, le quartier Grüber, le centre commercial du Champ de Foire, la transformation du mail Gaillardon, notre magnifique médiathèque.
Avec un temps d’avance, tu as protégé les 850 commerces de Melun, étouffés par les grandes surfaces.
C’est toi, Jacques, qui as rendu ses rives à la Seine. Toi qui as sauvé le Prieuré Saint-Sauveur, restauré l’église Saint-Aspais, lui redonnant ses vitraux, ses cloches, son âme. Toi qui as semé l’histoire sur un parcours patrimonial pour que chaque pierre parle aux générations.
Tu as ouvert crèches, écoles, centres de loisirs, parcs, aires de jeux… car tu savais que la ville de demain s’écrit dans les rires des enfants.
Et grâce à ta vision, Melun est aujourd’hui une ville universitaire, accueillant sur son île — ce petit quartier latin — les premières années de Paris 2 Assas, la plus grande université de droit française. Ses étudiants étaient une petite soixantaine au départ, ils sont 2500 aujourd’hui faisant de notre ville un pôle universitaire d’excellence dans notre département.
Tes réseaux politiques ont été des leviers, jamais des privilèges. Tu as su faire entendre la voix de Melun auprès des plus grands à commencer par le Président Jacques Chirac. Et tu obtenais les moyens de tes ambitions pour cette ville que tu aimais tant. Tu as veillé à ce que Melun reste ville-préfecture, dans un contexte incertain. Tu t’es battu pour l’EOGN, qui, 80 ans après, est toujours là, fidèle au poste, et te dit merci.
C’est toi encore qui as posé les fondations du futur hôpital.
Toi qui, dans les quartiers Nord, as été pionnier du développement social.
Toi qui as créé le DAM, ancêtre de notre agglomération actuelle, que tu as présidé avec sagesse et fermeté.
***
Jacques Marinelli tu étais devenu l’homme au service des autres. Celui qui connaissait les rues, les prénoms, les douleurs et les joies. Celui qui savait que gouverner, c’est aimer sans mesure.
Celui qui a été honoré de la plus belle des manières par notre République. L’Ordre national du Mérite, remis par Édouard Balladur, la Légion d’honneur, des mains de Nicolas Sarkozy.
Mais ce n’est pas dans les rubans que réside ta grandeur : c’est dans les regards des Melunais, dans leur reconnaissance quotidienne, dans les souvenirs qu’ils partagent en parlant de toi.
***
Jacques tu as été un héros. Un vrai. Un de ceux qui font rêver les petits garçons et les petites filles.
En 1949, tu portas le maillot jaune pendant six jours. Cette année tu termineras 3e du Tour de France, derrière les géants Fausto Coppi et Gino Bartali. Ce que la France a vu ce jour-là, ce n’était pas un simple coureur.
C’était l’élan d’une génération, la promesse d’une jeunesse courageuse. Un petit oiseau jaune et vert, peut-être, mais un oiseau au cœur immense, au regard déterminé, au sourire franc. Tu portas le maillot jaune comme on porte un serment. Avec humilité. Avec honneur.
Et lorsque tu descendis du vélo, tu ne t’arrêtas pas. Tu pédalas autrement. Pour Melun. Non pas pour te reposer, mais pour semer, encore. Pour bâtir, sans relâche. Pour aimer, sans compter.
Fils d’immigré italien, tu as été un modèle d’intégration et un modèle républicain. Tu a su transformer l’effort en œuvre, la sueur en beauté, l’engagement en héritage.
Et je veux te dire, Jacques, que cette oraison est une ode à la politique. Non pas au sens partisan, mais parce qu’elle parle de la cité, du peuple, de la destinée commune. La vraie politique, la grande politique : celle qui élève, qui construit, qui réunit. Et tu en as été un artisan somptueux.
***
Aujourd’hui, Jacques s’en va. Mais il ne s’efface pas. Il est dans nos places, nos rues, nos souvenirs, nos récits. Il est dans le souffle des coureurs, dans la cloche des écoles, dans les pierres rénovées, dans les rires des rues piétonnes du centre-ville.
Il est là, à jamais dans le cœur de Melun.
Merci, Jacques. Pour ta fidélité. Pour ta droiture. Pour ton courage. Merci d’avoir été ce que tu as été : un homme vrai, un homme debout, un homme de Melun.
À ton fils Sylvain, à tes proches, à toi Dominique, au nom de toute la ville, je présente mes condoléances les plus sincères. Que notre affection vous enveloppe. Que notre gratitude vous accompagne.
Et que Jacques repose en paix, sous le ciel de cette ville qu’il a tant aimée, et qu’il a servie avec une grandeur d’âme inoubliable.
Je vous remercie